La chambre à Arles_Vincent Van Gogh

La chambre de Van Gogh à Arles de Vincent Van Gogh, Sep. 1889 (troisième version), Huile sur toile, 57,3 × 74 cm, Musée d’Orsay-Paris

/ Contexte de création :

Né aux Pays-Bas en 1853, Vincent Van Gogh quitte sa patrie pour s’installer en France en 1886, où il séjourne d’abord à Paris avant de partir pour Arles, une petite ville située en Provence. Ayant trouvé refuge dans la désormais célèbre « Maison jaune », Van Gogh espère y établir un lieu de travail et de vie communautaire avec d’autres artistes.

Alors qu’il travaille dans cette maison, Van Gogh créé plusieurs œuvres représentant différentes pièces de son habitation, dont la fameuse Chambre à coucher à Arles.

Sur le thème de sa chambre, Van Gogh réalise trois peintures presque identiques. La première, conservée au musée Van Gogh d’Amsterdam est exécutée en octobre 1888 et détériorée lors d’une inondation survenue pendant l’hospitalisation du peintre en Arles. Environ un an après, ce dernier entreprend donc d’en faire deux copies : l’une, de mêmes dimensions (72,4×91,3), est conservée aujourd’hui à l’Art Institute de Chicago ; l’autre, celle du musée d’Orsay, réalisée pour sa famille en Hollande, est de taille plus réduite.

La chambre à coucher, 1888 (première version), Huile sur toile, 72×90 cm, Fondation Vincent van Gogh, Amsterdam (Pays-Bas)
La chambre à coucher, Sep.1889 (deuxième version), Huile sur toile, 72×90 cm, Institut d’Art de Chicago, États-Unis

/ Description :

La Chambre de Van Gogh à Arles est de dimension plus petite que l’original : 56 x 74 cm. C’est une huile sur toile actuellement visible au musée d’Orsay à Paris. Cette chambre est représentée de manière réaliste : on y voit deux portes, deux chaises, deux oreillers, deux portraits (un autoportrait et la représentation d’une femme), deux estampes, un lit, une table sur laquelle se trouvent des objets pour la toilette (carafe, verre, brosse, broc, cuvette, flacons), un miroir, un essuie-mains, des vêtements et accessoires accrochés à une patère, une fenêtre entrouverte, un tableau représentant un paysage et le sol. Un croquis a été dessiné avant la réalisation de la toile. Grâce aux correspondances de Vincent van Gogh avec son frère Théo, nous pouvons mieux appréhender cette œuvre dont il lui parle dès le mois d’octobre 1888 : « Mon cher Théo, […] Enfin je t’envoie un petit croquis pour te donner une idée de la tournure que prend le travail. Car aujourd’hui je me suis remis. J’ai encore les yeux fatigués, mais enfin j’avais une nouvelle idée en tête et en voici le croquis. Toujours toile de 30. Cette fois-ci ma chambre à coucher tout simplement, seulement la couleur doit ici faire la chose et en donnant par sa simplification un style plus grand aux choses, être suggestive ici du repos ou du sommeil en général. Enfin la vue du tableau doit reposer la tête ou plutôt l’imagination. »

/ Analyse de l’œuvre :

La Couleur : Les couleurs utilisées sont complémentaires : l’orange et le bleu ; le violet et le jaune ; le vert et le rouge. Le chromatisme développé se rapprochera de celui des Fauves. Pour le tableau d’origine, Van Gogh souhaitait un encadrement blanc pour équilibrer les complémentaires. Dans le tableau qui nous intéresse, il n’y a pas d’encadrement, le blanc se retrouve dans le miroir en haut à gauche. Il confirme cela dans une lettre adressée à Gauguin quelques jours après la réalisation du croquis : « Eh bien cela m’a fortement amusé de faire cet intérieur sans rien, d’une simplicité à la Seurat. À teintes plates mais grossièrement brossées, en pleine pâte… J’aurais voulu exprimer un repos absolu par tous ces tons très divers, vous voyez, et où il n’y a de blanc que la petite note que donne le miroir à cadre noir.»

Cette juxtaposition de couleurs vives proches des estampes japonaises (collectionnées et copiées par le peintre) permet des effets de lumières. Voici les couleurs utilisées par Van Gogh dans la suite de la description du croquis adressée à son frère Théo :
« les murs lilas pâle, le sol d’un rouge rompu et fané, les chaises et lit jaune de chrome, les oreillers et le drap citron vert très pâle, la couverture rouge sang, la table à toilette orangée, la cuvette bleue, la fenêtre verte », affirmant : « J’avais voulu exprimer un repos absolu par tous ces tons divers ». Des traits noirs permettent de cerner les éléments du tableau. On le voit pour les chaises, la table, le lit. Cela renforce la matérialité des objets. Les touches sont épaisses. Les ombres propres et les ombres portées sont supprimées.

La facture : Il donne également des informations sur l’application de sa peinture :
« Mais je crois que la facture en est plus mâle et plus simple, pas de pointillés, pas de hachures, des teintes plates mais qui s’harmonisent ».
Les touches de remplissage des surfaces sont jointives et orientées : elles suivent les planches du bois du lit ; elles rayonnent selon le cannage des chaises de paille ; elles fuient avec l’alignement du carrelage. Elles sont épaisses créant des effets de matières et de textures.

Les lignes : La ligne de fuite se situe au bas à droite de la fenêtre. On peut avoir l’impression d’une certaine instabilité au niveau de la place de chaque élément.

Les Références de Van Gogh : A travers ces différents tons, c’est au Japon, à ses estampes que Van Gogh fait référence. Il se justifie ainsi : « Les Japonais ont vécu dans des intérieurs très simples et quels grands artistes ont vécu dans ce pays ». Même si, aux yeux des Japonais, une chambre ornée de tableaux et de meubles ne semble pas véritablement simple, pour Vincent c’est « une chambre à coucher vide avec un lit en bois et deux chaises ». Il atteint malgré tout un certain dépouillement par sa composition constituée presque uniquement de lignes droites et par une combinaison rigoureuse des surfaces colorées qui suppléent à l’instabilité de la perspective.

Le grand pont : averse soudaine à Ataké, Utagawa Hiroshige, 1857, estampe, 36×23 cm
Jardin de pruniers à Kameido,Utagawa Hiroshige, 1857

Cette chambre nous donne à voir l’espace d’un peintre vivant simplement. L’intention de Van Gogh était de reproduire une atmosphère de calme et de repos